Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Notes discordantes sur l'époque
8 mai 2013

L'accordéon, ce n'est pas du vent... TA... TA... TA... TAM... N°50

L’accordéon, ce n’est pas du vent…

 

          Mme Basile n’est plus. Cette charmante vielle dame me louait chaque année, un petit studio pour une semaine de vacances sur la côte d’Opale. Mme Basile connaissait la musique, et pour cause… J’avais repéré, dans le salon où, parfois, nous discutions, un genre de pièce de musée, un instrument de musique – j’hésitais  entre accordéon et bandonéon – qui trônait en majesté sur un meuble bas. Un jour, je lui posai la question de son origine. C’était l’accordéon de Joss Baselli, son beau-frère… Il avait couru les bals du Nord, cette région étant une terre d’élection pour cet instrument. J’en parlai à mon frère, musicien amateur, qui me dit que ce type avait suivi une sacrée trajectoire et qu’on le retrouvait mentionné sur la pochette du disque de Renaud – qui avait des attaches familiales dans cette région -, paru en 1981 sous le titre : Le p’tit bal du samedi soir et autres chansons réalistes. Nous en restâmes là.

          Quelque temps plus tard, au cours d’une émission de France Inter, Marcel Azzola pioche dans ses souvenirs et rend un hommage appuyé à son ami «  Joss Baselli qui a accompagné Patachou et participé à certains de ses enregistrements »… Par diverses sources, je remonte le courant musical, allant de surprise en surprise. Joseph Basile est né en 1923 à Somain dans le Nord. Gamin, il joue de l’accordéon dans la salle du café parental, avant d’animer des bals avec son frère, lui aussi accordéoniste. Pour se distinguer de ce dernier, il transforme Basile en Baselli et Joseph en Jos ou Joss, selon les circonstances. Il a aussi appris la clarinette et le bandonéon. Il se marie avec la fille de Gus Viseur. Les Basile ont fait partie de cette vague d’Italiens arrivés en France, accordéon en bandoulière, et qui, au grand dam des Auvergnats, détrônèrent la musette (1) des soirées de bal.

           En 1953, Joss décolle du Nord pour atterrir à Paris où, dans Montmartre, il rencontre Patachou dont il va devenir l’accompagnateur. S’ensuivra, avec elle, une tournée américaine – aux Etats-Unis, Baselli enregistrera au total une trentaine de disques fort appréciés -. Il est arrangeur, compositeur, chef d’orchestre… Avec Azzola, il crée un tube : Passe musette. Tout s’accélère pour Joss : Il décroche en 1957 un grand prix de l’Académie Charles Cross et la deuxième place de La rose d’or d’Antibes. A Juan-les- !pins, il joue avec Elek Bacsik à la guitare et Jo Courtin à la basse. Barbra Streisand reprendra sa mélodie à succès : Free again.

          Le Ch’ti trace sa route et ce n’est pas fini. Il reçoit un oscar de l’American Accordionists Association et commence à former des jeunes pour la relève. Il accompagne pendant trois ans Barbara sur scène avant de lui recommander, pour successeur, l’un de ses élèves : Roland Romanelli… Il compose pour Nana Mouskouri, Tino Rossi, Dario Moreno, Marie Laforêt et lance, en 1972, «  Le monde de l’accordéon à la télévision ». Il compose la musique du film L’Astragale, celle du feuilleton Schulmeister, espion de l’Empereur, et aussi le générique du fameux Manège enchanté… Il fonde une maison d’édition, Opaline… Le 5 septembre 1982, la mort lui coupe le soufflet au cours d’un bal… Joss Baselli aura été un sacré passeur, de Patachou à Renaud en passant par Barbara… Et bien des groupes modernes lui doivent - comme à Astor Piazzola pour le bandonéon -, sans toujours bien le savoir, cette permanence du piano du pauvre, instrument passe frontières,  dans leur riche musique. C’était ma séquence, comme l’a écrit James Agee, à propos des paysans du sud des Etats-Unis : «  Maintenant louons les grands hommes »… (2)

 

1-    La musette était un instrument proche de la cornemuse, du biniou.

2-    Paru dans la formidable collection de Jean Malaurie : «  Terre humaine »

 

                                                                           Hagnéré Jean-François

                                                                             (CARA Yann)

  Texte publié dans « Le Dévorant », revue du CLEC ( Cercle littéraire des Ecrivains Cheminots )

           

Publicité
Publicité
Commentaires
Notes discordantes sur l'époque
Publicité
Archives
Publicité