" C'est reparti comme en 14..." TA...TA...TA...TAM... N° 143

C’est reparti comme en 14…

Boris Vian a écrit Trouble dans les andains. Aujourd’hui on peut considérer que ce trouble est en passe de gagner les étables… En effet, les bœufs contemporains ne sont plus loin  de penser, comme nos braves Poilus de 1914 : J’ai comme toi pour me réconforter / le quart de pinard / Qui met tant de différence entre nous et les Boches… (1) A l’époque, un mot d’ordre circulait : C’est l’ pinard qui nous sauvera !… Une « Ode au Pinard », trouvée dans des archives, avance cette raison d’espérer : Salut, Pinard de la Victoire / Qu’on nous promet d’puis si longtemps ! / Quand ça s’ra-t-il qu’on pourra t’ boire ? / Ah, jour de Dieu, c’ qu’on s’rait contents ! / Il faudrait bien qu’elle s’accomplisse / La grande Revanch’ de la Justice : / L’jour où l’on clouera Guillaume Deux / Avec Joseph dans la meim’ bière /  Les Alliés boéront à pleins quarts / Ni eau, ni thé, ni cidre, ni bière : Rien qu’ du Pinard ! Voilà pour l’évocation du bicentenaire de 1914… Mais revenons à nos moutons ou, plutôt, à nos bœufs…

            Il s’agit, préoccupation de l’époque, d’attendrir au maximum la viande de ces animaux. Et pour cela, un peu d’alcool, paraît-il, ne saurait leur faire de mal, au contraire… Des expériences, que l’on estime concluantes, prouvent qu’il convient, par exemple,  d’arroser le contenu de  la mangeoire, s’il s’agit des  bœufs de la race japonaise Wagyu, pour obtenir un animal détendu, à peine dans les vaps, un tantinet euphorique et qui passe son temps à se goinfrer  et à se faire du gras, l’alcool concourrant à l’amélioration du fondant… (2) Un litre de vin rouge par jour et par tête et les bestioles, aux anges,  vous chanteront en choeur : Boire un petit coup c’est agréable, boire un petit coup, c’est doux, la-la-la-la… Si ces jours-ci, il vous arrive de rencontrer un bœuf divaguant seul au milieu d’une route de campagne, n’hésitez pas à convoquer la maréchaussée en vue de lui faire subir un éthylotest… Le suivre, d’accord, mais le doubler, surtout pas ! En Normandie, d’après un éleveur de la région, le bovin apprécierait plutôt le cidre… En Aquitaine, ce sera certainement le cognac et en Allemagne, le schnapps… Je me demande si, en son temps, la Vache qui rit, toujours rubiconde et hilare, n’avait pas quelques pintes d’avance sur ses semblables…

            Il semblerait que la musique aussi ait son rôle à jouer dans cette affaire. On prétend qu’elle adoucit les mœurs… Pourquoi les mœurs bovines feraient exception ?… Une petite musique de nuit ne saurait nuire,  mais, attention,  avec du hard rock, on pourrait bien obtenir un troupeau d’enragés. Tout est question de dosage… Alcool et musique, et à nous les breloques des concours agricoles et les médailles militaires ! Et l’on en revient à nos Poilus, qu’on envoyait comme bœufs à l’abattoir, après un quart  de Kiravi-la-vie et le son du clairon en guise de stimuli…

      (1) Guillaume Apollinaire. A l’Italie – Calligrammes ( 1915 )

(2)Terme utilisé pour qualifier une viande qui fond dans la bouche. Un peu d’alcool contribuerait à une répartition harmonieuse du gras…

                                                                                                         Hagnéré Jean-François

                                                                                                             ( 23/04/2014 )