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Notes discordantes sur l'époque
14 avril 2014

" Grand-messe " TA...TA...TA...TAM... N°152

Grand-messe

            C’est le grand jour, le grand oral, un moment capital dans une carrière politique… Depuis des jours et des jours, cornaqué par ses conseillers en tous genres, il planche sur les grands thèmes à développer… Il lui faut balayer large, rallier, au-delà de ses troupes électorales, les indécis à son panache presque blanc, car le blanc, en politique, ne le reste pas longtemps…Le réacteur à neurones tourne à plein régime… Il en est à l’heure des ultimes réglages, dernières répétitions. En compagnie de ses conseillers en communication, il a repéré le lieu du « dream », défini l’emplacement des micros et caméras, réglé les éclairages, cherché le profil, le geste, le positionnement avantageux… Demain, ce sera « Au théâtre, ce soir… » Il cherche le ton, les intonations, le trait d’humour qui fera mouche, que retiendront les médias… Les partisans vont arriver de partout, par cars, la salle sera comble et, espère-t-il, comblée… Le choix de la tenue, l’alchimie des tissus, couleurs, lumières, le thème musical d’ouverture : classique te solennel, genre Ainsi parlait Zarathoustra, * classique et solennel, lyrique et majestueux, ou « variétés »  et  suffisamment populaire pour être repris en chœur : « Osez, osez, Proserpine… »* D’ici demain soir, gérer le temps et le stress…

            Jour J… Les petites mains du parti s’activent… Tout au long de l’après-midi, il va leur falloir gérer l’arrivée des cars, le placement des adhérents, passer les consignes… Les deux premier rangs de sièges, confortables, sont réservés aux cadres du parti qui dodelineront de la tête, cilleront des  yeux d’un air entendu ou applaudiront à tout rompre aux moments clés du discours, pour mieux les marquer et donner leur assentiment, confirmer leur adhésion au projet devant les caméras gourmandes. C’est le passage obligé de l’allégeance, le temps des copains et des faux-culs d’abord, le moment de s’assurer une bonne place à l’heure du résultat… Derrière viennent les représentants locaux et, enfin, le gros des troupes, le troupeau bêlant son admiration, son enthousiasme, chaque mouton s’étant déjà fait tondre la laine sur le dos  dès le sas d’entrée : vente de petits drapeaux tricolores, pin’s et autres produits dérivés… Nombreuses les délégations à avoir fait assaut d’imagination pour bricoler des banderoles et les slogans qui vont avec : «  Machin, président ! », «  Tous derrière Machin ! », «  Vers la victoire avec Machin ! » … Au fil des heures et des breuvages, les esprits s’échauffent, l’impatience grandit : on commence à réclamer, sur l’air des lampions le messie… Et déjà, sûrs de leur fait, ils entonnent : We are the champions, my friend, we are the kings of the World, * pour les anglophones, auquel répond le On est les champions, on est les champions, on est - on est – on est les champions ! des partisans de La France aux Français !… Grand-messe et ambiance de kermesse… On tape des mains, pieds au plancher…

            Dans la salle, la sono fait monter de plusieurs crans l’ambiance… Pour les caméras, les cadres font assaut d’amabilités, oublient un moment qu’ils ne peuvent s’encadrer… Toujours la bonne place en jeu… Dans les coulisses, on flatte l’ego du champion, on le bichonne, on éponge quelques gouttes d’angoisse  perlant sur son front, on procède à quelques raccords de maquillage… Et tout-à-coup, voilà les premières notes de l’hymne d’ouverture, enregistré, un succès populaire, dont les paroles distribuées dans la salle, qui fera écho, ont été remaniées pour la circonstance… En chœur, on reprend au refrain – grand moment de télévision - : « Au Tord-boyaux – symbole à la fois de l’angoisse et du « coup-de-fouet » -, le patron s’appelle Narco… » * Sûr que la politique est une drogue dure, une source de rêves qui ont peu de chance de devenir réalités… Narco est lancé, intarissable… Il insiste, appuie sur les mots-clés, les saillies destinées à terrasser l’adversaire et à gonfler d’orgueil ses partisans… Les cadres opinent du chef… Les partisans ont la larme à l’œil… ils sont persuadés de vivre et d’écrive une page d’histoire… les applaudissements crépitent… Rappels de l’artiste, les bras levés, en V…… Bashung,

            Devant sa télé, le téléspectateur neutre et revenu de tout sans jamais s’y être laissé entraîner, croit entendre, sortant de la bouche des Narco de tous bords, la voix désabusée de Dalida : Des paroles, des paroles, des paroles, rien que des paroles que tous ces mots-là… * Tout ça pour ça ! Il passe un coup de fil :- Allo !… France ?Le Messie ?… - Désolée,  le Messie n’habite toujours pas ici, on doute même de son existence…

 

                                                                                                                  Hagnéré Jean-François

                                                                                                                     ( 09/04/02014 )

 

* Hommage à Strauss / Nietzsche, Queen, Pierre Perret et Dalida…

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