" Problème de literie " TA...TA...TA...TAM... N° 191
Problème de literie
Il faut de tout pour faire un monde, mais aussi des articles du journal Le Monde. Ainsi un articulet paru récemment, apparemment anodin, nous permet de réfléchir à la notion d’ « œuvre d’art » en une époque mercantile où tout se monnaie.
A sa lecture, j’apprends qu’un artiste d’outre-Manche, Tracey Amin, l’imagination probablement mue par un solide humour anglais, a créé, en 1998, un lit grandeur nature. Jusque-là, pas de quoi s’affoler chez Lévitan – référence pour les anciens, ces meubles garantis pour longtemps – ou, pour les clients d’aujourd’hui, chez Conforama. Par contre, la description du lit imaginé par le trublion laisse pour le moins rêveur : Un lit aux draps tachés, entouré de linge froissé, de bouteilles vides et de préservatifs usagés… My God !…
Toujours est-il que Tracey y croyait dur comme fer à son lit puisqu’il décida de le présenter, dans le cadre du prix Turner, à la Tate Gallery de Londres, l’année suivant sa réalisation. A l’époque un galeriste l’a acquis pour la somme de 180 000 euros… Je vois des ignorants qui sourient, sans doute, de la bonne plaisanterie. Mais je vois aussi leur sourire se figer aussitôt en apprenant que depuis, le lit de Tracey Armin, devenu emblématique du courant des Young British Artist, a été adjugé, vierge de toute trace de poudre lessivielle, le 3 juillet 2014, lors d’une vente chez Christie’s, pour la bagatelle de… 2,7 millions d’euros. C’est dire la cote ascendante des préservatifs… L’acquéreur, un industriel allemand, a aussitôt annoncé qu’il avait décidé, à la demande de la Tate Gallery, de prêter à ce musée le chef-d’œuvre pour une période de dix ans… Aujourd’hui, The bed, titre de l’installation, est présenté par Armin comme l’écrin naturel de [ son ] travail…
Personnellement, je propose de rebaptiser The bed, terme bien banal pour une oeuvre aussi importante, représentatif d’un art qui peut faire débander nombre de nos contemporains : Masturbation intellectuelle, Comme on fait son lit on se touche ou encore La maculée conception… Au choix…
Hagnéré Jean-François
( 06/09/2014)