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Notes discordantes sur l'époque
1 août 2016

" Taïaut !" TA...TA...TA...TAM... N°132

Taïaut !…

 

            Ça s’est passé un dimanche, un dimanche au bord de l’eau…* Plus précisément  autour du lac de C., en Moselle, promenade près prisée par les familles le dimanche après-midi. Un passage goudronné permet de faire le tour du plan d’eau, des aires de jeux attirent les enfants, les bancs font le bonheur des contemplatifs et aident au repos des retraités, la faune aquatique aimante, elle, les pêcheurs… Canards, cygnes et autres volatils complètent cette voisin paradisiaque dans une région vouée naguère au charbon et à l’industrie.

             Le cadre planté, le dimanche dont je vais parler, il y a foule et comme qui dirait  le feu au lac… Un effet du soleil, peut-être, qui sort enfin, en ce mois juillet 2016, la tête des nuages. A bien y regarder, le lieu ne présente pas son visage habituel. On peut distinguer, ici et là, des rassemblements assez compacts, surtout de jeunes, assis dans l’herbe, concentrés, comme studieux, et d’autres se déplaçant rapidement à bicyclettes, sur des planches ou des patins à roulettes… Mais parmi eux, on note aussi la présences de couples d’adultes accompagnés de leurs enfants… A la hauteur du kiosque, habituellement destiné aux bals d’été des associations et aux manifestations musicales estivales proposées par la ville, alors là, c’est la foule, qui ne s’élance et ne danse pas comme chez Piaf, non, c’est une assemblée de gens calmes, se chuchotant à voix basse comme des secrets. A y regarder de plus près chacun/e est penché/e sur son smartphone ou son iphone, bref, sur un diabolique  écran qui le soustrait au bruit et à la beauté de la nature « envie-ronronnante ».

            Qu’est-ce donc que ce phénomène qui a arraché toute une jeunesse à ses consoles de jeux, pour la précipiter au grand air, là où on ne la voit jamais. Bon, j’avise dans la masse adolescente un père de famille   qui me semble lui aussi branché sur le réseau et  je l’interroge sur le pourquoi de cette manifestation de masse. Grâce à lui,  je découvre « la chasse au Pokemon »… Taïaaut ! Taïaut ! Taîaut !… Et mon expert de m’expliquer le phénomène à partir de son écran… Les chasseurs ont repéré, autour de notre étang des zones où s’ébattent des Pokemon  - Ne pas confondre avec « Toutenpokemon », l’Egyptien -… Voilà !… Il m’en montre un perché sur le bras d’un chasseur… Passionnant ! Bonjour Poke !… La reine, d’après mon expert, se tiendrait à l’autre bout de l’étang… Il serait aussi question de remparts à franchir, de points à engranger, de pièces de monnaie d’or… En mon fors intérieur, je me dis qu’il y a beaucoup de « rois des cons »** pour cette Reine des Pokemon, et que les pièces d’or, ce sont surtout Nitendo, qui a lancé ce jeu sur le marché, et ses actionnaires qui vont décrocher le gros lot. Le lendemain mon quotidien m’apprendra que l’action a gagné 100 p. cent dès le déclenchement de l’opération… Plus loin, une dame, montée sur patins à roulettes, effectue devant moi, aussi « artistiquement » que possible, un demi-tour  et s’arrête à ma hauteur : «  – J’y suis, mais je ne vois rien…  Je me penche au-dessus de son épaule… Cri de joie destiné à son correspondant : - Ça y est ! Il est là, en haut de l’arbre, je le  vois !… Il descend, il est au pied de l’arbre… » Bernadette fut-elle plus heureuse lors des apparitions de la Vierge Marie à Lourdes ? J’ai des doutes… A chaque époque ses idoles… Enfin, me dis-je, philosophe :  il fallait bien vingt-et-un siècles pour en arriver là.

             Merci Big Brother ! Sur le chemin du retour, un peu effaré, je croise un retraité de ma connaissance qui, tel un prophète, me lance, pointant un doigt au ciel : «  N’oublie pas ça : Crétinisation générale… » Puis-je lui donner tort ? Mais toutes le générations ne traversent-elles pas une phase de crétinisation ? Bon, avec 90 p. cent de lauréats aux épreuves du baccalauréat, on ne va pas non plus faire la fine bouche, non ?  Et moi qui, comme un cornichon, était simplement heureux de noter ces jours-ci un retour plus conséquent des papillons dans les jardins… Repartant du bon pied, je me suis chantonné, révisant un classique de Brassens : Ils ne savaient pas que sous les ombrage / se cachait l’amour et son aiguillon / Et qu’il [transpercerait peut-être aussi] Les cœurs de leur âge / Les cœurs de chasseurs de Pokemons…**

                                                                                               Hagnéré Jean-François ( 31/07/2016)

* Référence chanson Boyer, Van Paris interprétée par Maurice Chevalier

* Références à l’œuvre de Brassens : Le Roi des cons et La chasse aux papillons.

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