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Notes discordantes sur l'époque
31 janvier 2014

" Hiver 1954 " TA...TA...TA... TAM... N°126

 

 

 

Hiver 1954

 

            Hiver 1954, dans une ville côtière du Pas-de-Calais. J’ai sept ans. La maison est chauffée par le poêle de la cuisine. En haut, dans les chambres, les vitres sont couvertes d’un givre que nous tentons de rayer, mon frère et moi, à coups d’ongle. Le voisin, chasseur dans l’âme, et braconnier hors pair qui parfois ravitaille le quartier pour « avoir la pièce », histoire de se payer un… canon, exulte. Il est aux anges : « La rivière est gelée ! Faut voir les canards !… » Quoi ? Impossible !… Les plus curieux descendent vers le bas de la ville pour voir de leur voir l’incroyable. Les canards, déboussolés ou prisonniers des glaces sont à portée de fusil. Une aubaine pour notre hors-la-loi. En fin de matinée, le rue s’anime : en cet hiver où il gèle à… Pierre fendre l’indifférence, un abbé a lancé  un appel au secours en  faveur des plus déshérités, des sans-abri. Louveteaux et scouts participent à la mobilisation générale. Mes cousins, « toujours prêts », même aux pires âneries, sont, cette fois, embarqués à bord d’un camion, en compagnie de « la meute ». Ils aboient, crient, klaxonnent, ameutent la population, sollicitent, ramassent vieux papiers, ferraille, vêtements usagés, etc. Au passage devant notre maison, ils me tendent la main, me hissent et m’installent dans la benne. Quelle euphorie ! Nous sillonnons les quartiers, passant par « Buchenwald », ainsi appelé car ce terrain vague, où des « préfabriqués » ont remplacé les habitations détruites lors des bombardements, rappelle « les camps ». Un peu plus bas, c’est la rue Pasteur, des maisons «  en dur », qu’on appelle d’ailleurs « la loi Loucheur »… Ce jour-là, souvenir indélébile dans le déroulement d’une vie, un abbé a semé des graines dans des cœurs adolescents : solidarité et générosité, des mots capables de dégeler les consciences qui ont trop tendance à hiberner en permanence. Chaque année, l’hiver revient souligner la misère, et chaque année revient le souvenir de l’abbé Pierre… Si jamais on cherche  un nom digne du Panthéon…

 

                                                                                            Hagnéré Jean-François

                                                                                                ( 31/01/2014)

                                                                                    Extrait de Kaléidoscope ou Une egographie

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