" Ils n'étaient pas légion..." TA...TA...TA...TAM... N° 167

Ils n’étaient pas légion…

Il était une fois de petits gars qui avaient une foi inébranlable dans leurs pays et ses valeurs, passé aux mains de  vils propagateurs d’idées brunes et noires… A partir d’un noyau dur d’une vingtaine d’unités, un meneur d’hommes nommé Philippe Kieffer, opiniâtre et courageux, va prendre la tête de ce qui deviendra un commando* de 177 soldats français, entraînés et aguerris lors d’un long séjour écossais qui n’avait rien d’une promenade de santé,  au point de devenir digne de porter le fameux « béret vert » des troupes d’élite anglaises. Ils sont jeunes, vaillants, enthousiastes, peut-être aussi un peu inconscients de ce qui les attend vraiment. Les voilà prêts, affûtés… En attendant Godot ou autre chose, ils content fleurette aux jeunes anglaises…

            5 juin 1944… On retrouve les hommes du commando Kieffer, embarqués à bord d’une barge… Demain sera un autre jour, le jour J… Pour l’instant, ils luttent contre le mal de mer… Ils vont enfin toucher le Graal, le sol de la « mère patrie »… Moment d’émotion, d’excitation, mais aussi de trouille à surmonter : entassés dans une barge, ils n’en mènent pas large… Ils vont être un pion gagnant dans l’armada qui met le cap sur les côtes normandes… Le 6 juin, leurs amis anglais leur laissent l’honneur d’être les premiers à fouler le sable français de la plage nommée « Sword », entre Ouistreham et Saint-Aubin-sur-mer… Déluge de feu… Certains parmi eux, blessés ou tués, n’iront pas plus loin… Le commando va s’illustrer lors de la prise d’une batterie allemande particulièrement efficace et celle du casino de Riva-Bella, épisode mis en valeur dans le fameux film de Zanuck : Le jour le plus long. Ensuite ils font la jonction avec les Britanniques lors de la prise du non moins fameux Pegasus Bridge de Bénouville. Au soir du 6 juin, un quart de l’effectif du commando est hors de combat… Jusque fin août, les hommes encore valides vont assurer une ingrate défense de position face aux contre-attaques allemandes. Par la suite, des membres du commando se joindront aux Britanniques pour œuvrer à la prise de Flessingue sur l’île de Walcheren….

            Démobilisés, des rescapés, oubliés d’un général de Gaulle qui, en bisbilles sur certains points avec Churchill lors de son exil anglais marque du dédain pour ces combattants français ayant porté l’uniforme britannique, vont se  retrouver complètement désœuvrés lors de ce retour à la vie civile… Et il leur faudra attendre Mitterrand pour connaître enfin une quelconque reconnaissance… En 2004, les derniers survivants eurent droit à… leur légion d’Honneur. Pendant tout ce temps, artistes de moindre importance, chanteurs de variété ou autres, voire même d’anciens « collabos », prestement repeints en bleu-blanc-rouge,  avaient été honorés. Mais les hommes du « commando Kieffer » n’en demandaient pas tant, n’ont jamais rien réclamé ni ne se sont vantés de s’être sacrifiés pour la Patrie...

Aujourd’hui, l’action est surtout… boursière. Aujourd’hui, il est bon de se demander, devant les micros et caméras : «  Pour qui, pour quelle cause seriez-vous prêts à donner votre vie ? »… Question ridicule, car, en fait, c’est toujours au pied du mur qu’on voit le maçon. Au pied du mur nazi on a vu le commando Kieffer en Normandie… Et les résistants, à l’époque, n’étaient pas  légion… Mais on trouva plus de monde qu’il n’en fallait à l’heure des décorations…

- Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine ?

  Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?

-Ah ! non, pas vraiment…

* France 3 a rendu, avec Les Français du jour J, un très bel hommage à ces hommes et à leur chef le 25 mai.

                                                                                                                Hagnéré Jean-François

             (03/06/2014)