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Notes discordantes sur l'époque
4 novembre 2014

"Bas les masques ! " TA...TA...TA...TAM... N°205

Bas les masques ! Part. 1

 

            Ces temps-ci, le Clown, dans nos rues, n’est pas tout blanc, comme peut l’être  l’artiste éponyme du cirque. Il n’a rien non plus d’Auguste, mais tout du truand… Echappé de la Piste aux Etoiles, il court comme un fou les rues, une arme blanche à la main, menaçant le passant. Il en est même venu à gâcher la fête, celle d’Halloween qui, d’ailleurs, n’est pas du meilleur goût non plus. Alors que la jeunesse d’aujourd’hui raffole des vampires, des revenants, des zombies, des poupées tueuses, des massacres à la tronçonneuse, d’hémoglobine dégoulinant par hectolitres sur les écrans de la télévision et du cinéma, les Popov, Grock et Zavatta sont dépassés… Ce triste clown ne fait pas rire, alors que dans les hôpitaux, des « nez rouge » s’obstinent eux, avec bonheur, à user de cet artifice afin de distraire l’Enfant de son épreuve, de sa douleur.

 

Bas les masques ! Part. 2

 

             Ce détournement des valeurs ne date pourtant pas d’hier. Ainsi, dans le Nord, où j’ai passé ma jeunesse, à l’époque, déjà, des esprits tordus attendaient le Mardi-Gras pour masquer leur véritable personnalité, parfois perverse. Elevé dans un milieu de marins pêcheurs, deux vilaines expériences me firent prendre très tôt en grippe les mascarades.

             En semaine, l’épouse du marin se retrouvait parfois seule chez elle le soir à veiller sur ses enfants. Une proie facile, donc, pour les esprits malveillants. Je n’avais alors pas trois ans, mais je garde en tête, aujourd’hui encore, un cri d’effroi de ma mère. En ce soir de fête, ouvrant  la porte d’entrée, tout à coup fit irruption dans l’appartement celui  que par la suite j’ai toujours appelé « l’homme à tête de berlingot »  - c’est le souvenir que j’en garde, la forme du masque sans doute -. En fait, c’était un voisin de palier qu’au retour d’une «  marée » mon père s’en fut tancer vertement… Il avait un nom prédestiné : « M. Soudain »…

             Quelques années plus tard, alors que la famille avait déménagé, la coutume avait évolué : des bandes de fêtards déguisés sillonnaient les rues, frappaient aux portes, s’invitaient à boire une bière et manger une crêpe chez les particuliers… Evidemment, des femmes, parfois  seules chez elles avec leurs enfants, prenaient soin de fermer à clé la porte d’entrée afin d’éviter les débordements, provoqués par l’abus d’alcool, qui n’avaient pas tardé à suivre … Ce soir-là, on frappa à notre porte sèchement… Ma mère qui avait oublié de tourner la clé dans la serrure, se précipita, en vain… Déjà plusieurs personnes, des géants pour nous, les enfants, rigolards ou, c’était selon, menaçant du bâton, déformant leurs voix, refusaient de tomber le masque… Ma mère leur rappela notre présence… Mais aucun ne déclina son identité… Bientôt, mais l’instant avait ressemblé à une éternité, la Folie reflua vers la porte d’entrée, sans doute heureuse de son petit effet… Qui ne fut pas sans conséquence, car, au fil des années, les portes restèrent, en cette occasion, de plus en plus souvent fermées… Et ainsi dépérit cette tradition…

            De cette époque, je garde une profonde aversion pour les masques et ceux qui avancent masqués dans la vie… Une seule fois, mon frère et moi avons participé à un après-midi carnavalesque  destiné aux enfants. Je fus, par les soins d’une tante, excellente couturière, habillé en Pierrot lunaire – je n’ai pas l’air particulièrement gai sur la photo prise ce jour-là -, le visage grimé en blanc, et mon frère, les joues rosis, posait en  mignon petit meunier.

            Je fais aujourd’hui deux exceptions à la règle : les images télévisées des reportages consacrés au Carnaval – très coloré -  de Dunkerque. De loin, j’y vois un côté esthétique… A chaque fois cette vision des bandes et des chahuts, ces déferlantes,  longs rubans mouvants, ondulant comme des vagues sur la côte d’Opale, d’un onirisme certain, me ramènent  au thème de La danse de la mariée, peint par Bruegel l’Ancien, puis repris par Bruegel le Jeune… Aussi à Les Masques, d’Ensor, reflets d’états d’âme, puis insensiblement je glisse vers Le bal de masques donné par Proust… Je suis alors, à cet instant, A la recherche du temps perdu… Autre souvenir marquant positif : les Gilles de Binche qui, un dimanche matin, sans prévenir, donnèrent l’aubade sous nos fenêtres de la rue du chœur, porteurs de lourdes coiffes emplumées, héritage des  Incas,  tapant en cadence  le goudron de la rue de leurs sabots de bois,  agitant leurs grelots, ensoleillant le quartier de leurs rythmes joyeux, notes  tirées de leurs trompettes, tubas, clarinettes et pipeaux au son clair d’eau vive dégoulinant de la montagne… ils nous jetaient, tirées de leurs paniers, des oranges… Encore des soleils sucrés… La fête, la vraie fête…

 

                                                                                                Hagnéré Jean-françois

                                                                                                     (04/11/2014)

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