" Architecture 2 " TA...TA...TA...TAM...N°234

Architecture 2

Détruire, disent-ils…

            Lors de sa construction, à Poitiers,  la forme du Kinémax du Futuroscope, nouvelle attraction drainant les foules dans un parc de loisirs alors en perte de vitesse, avait été un tel choc visuel et esthétique pour les amateurs d’architecture classique, que la chaîne américaine CNN l’avait fait figurer dans une liste de sept bâtiments parmi « les plus bizarres du monde ». Les spécialistes durent alors nous éclairer à propos de cet assemblage de panneaux de verre qui, en fait, figurait un cristal de quartz… Mais depuis l’Atomium de Bruxelles, le Centre Pompidou à Paris et ce Futuroscope, on a fait mieux dans le genre  Qu’est-ce que c’est ? Le musée Guggenheim de Bilbao, par exemple, œuvre de Frank Gehry. Cet architecte a, depuis, sévit un peu partout dans le monde, faisant flotter dans nos imaginations une armada de voiliers de verre, aux voiles reflétant  et démultipliant le soleil, bâtiments aux  formes changeantes  selon l’angle d’où ils sont observés… Paris lui doit la Fondation Vuitton, qui navigue dans le bois de Boulogne, avec ses structures d’acier, de bois et de verre… A Lyon, La Maison de la Confluence fait penser à un vaisseau spatial intergalactique de série télévisée… Dans ce même quartier de Lyon, la Confluence, on peut aussi stationner devant Le Cube rouge, le Monolithe, le siège du journal Le Progrès – Rien que le nom du journal laisse déjà augurer de l’esprit des lieux et des bâtisseurs qui y opèrent.

            Nombre de ces architectes, artistes innovants que la seule idée de la ligne droite horripile au plus haut point, s’inscrivent dans un courant  s’inspirant d’un mouvement littéraire au nom évocateur : le Déconstructivisme, initié par Jacques Derrida. Tout un programme : «  Détruire, disent-ils » *… En gros, on rase tout ce qui nous rasait… D’après l’un des théoriciens de ce mouvement artistique, Le déconstructivisme revendique la philosophie postmoderne, en particulier les idées de fragmentation et de polarité négative , qu’il associe à des processus de design non linéaire, à des thèmes non euclidien, en poussant à l’extrême des thèmes de l’architecture moderne comme l’opposition entre structure et enveloppe ( timbrée ? ),entre plancher et murs et ainsi de suite… On ne saurait être plus clair… Rappelons les anciens à notre bon souvenir, plaçons-les devant ces faits accomplis et demandons-leur ce qu’ils en pensent, à quoi cela ressemble-t-il pour eux… Florilège de réponses à peu près certaines : - Sais pas !… - ça me rappelle quelque chose, mais quoi ?… - ça ressemble à tout et à rien, mais plutôt à rien… - Qu’est-ce qu’ils vont fabriquer là-dedans ?… C’est beau, mais c’est tarabiscoté… Signalez-leur que la tendance est aujourd’hui  à la course au bizarroïde, que  nous vivons une guerre des styles… Et vous en trouverez bien un parmi eux qui vous dira qu’après la guerre, et sa brutale déconstruction, vient le temps de la… reconstruction… Et qu’il nous suffit d’être patient…

                                                                                               Hagnéré Jean-François (19/03/2015)

* Dérivé de « Détruire, dit-elle », titre d’un roman et d’un film de Marguerite Duras.